Fin des moteurs thermiques : tous à l’électrique ?

Alors que les moteurs thermiques devraient être amenés à disparaître, les véhicules électriques constituent-ils la panacée ? Sont-ils vraiment moins polluants et moins chers, comme l’affirme le ministère de la Transition écologique ?

Le 27 mars 2023, l’Union européenne a adopté l’interdiction de la vente de véhicules à moteur thermique*  à partir de 2035. Il s’agit d’une mesure phare du Pacte vert, un plan doté de 1 000 milliards d’euros d’ici à 2030 visant à adapter les politiques européennes en matière de climat, d’énergie, de transport et de fiscalité pour atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050.

Une décision majeure alors que l’automobile est l’un des fleurons de l’industrie en Europe, encore porteuse de nombreux emplois. Elle suscite donc des inquiétudes et des questions sur les arbitrages à opérer entre des objectifs climatiques nécessaires d’une part et les réalités socio-économiques d’autre part.

La fabrication des batteries nécessite de nombreux composants et s’avère très polluante

L’électrique moins polluant à l’usage

Un véhicule électrique n’émet plus de carbone lors de son utilisation, il est en ce sens une très bonne alternative pour réduire considérablement les émissions de gaz à effets de serre liées à la circulation automobile.

Néanmoins, sa fabrication implique l’exploitation de mines de cuivre, de nickel et de cobalt ainsi que du lithium, nécessitant de grandes quantités d’eau pour le raffiner. La construction massive de champs d’éoliennes, de panneaux solaires et de centrales nucléaires semble également indispensable pour assurer la cadence.

En outre, les véhicules électriques sont plus lourds entraînant une usure prématurée des pneus et du bitume, qui sont eux-mêmes sources d’émissions de particules fines.

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L’électrique moins cher à l’entretien

L’entretien du véhicule est aussi plus simple et moins coûteux : pas de vidange ni de changement de pièces d’usure telles que les bougies, filtre à huile, courroie de distribution ou boîte de vitesse, dont les véhicules électriques sont dépourvus. Seuls les pneumatiques, plaquettes et disques de frein, essuie-glace et lave glace sont à entretenir.

Les révisions sont également plus espacées : tous les 30 000 km contre 20 000 km pour un thermique. Certains modèles de Tesla ne nécessitent même pas de révision, mais une simple mise à jour à distance. Au total, selon un rapport de France stratégie, l’économie réalisée serait de l’ordre de 1 200 € par an pour une citadine, en tenant compte de l’entretien.

voiture électrique
L’économie réalisée serait de l’ordre de 1 200 €/an

Ces chiffres sont toutefois à relativiser de l’aveu même de l’institut. En effet, ces derniers ne se basent que sur des recharges à domicile en heures creuses, excluant les bornes sur autoroute où la charge rapide coûte trois à quatre fois plus cher.

Par ailleurs, France stratégie reconnait que si l’inflation se poursuit, elle pourrait affecter les résultats de son étude.

Par ailleurs, le prix des pneus est plus élevé : près de 200 € l’unité par exemple pour une Tesla, n°1 mondial de la voiture électrique. Et ils s’usent plus rapidement…

Enfin, il est difficile d’anticiper le marché de l’occasion des véhicules électriques dans quelques années. Ces derniers pourraient subir une décote en cas de progrès techniques rapides, notamment en ce qui concerne l’autonomie des batteries…

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L’électrique vecteur d’inégalités ?

A ce jour, l’acquisition d’un véhicule électrique demeure onéreuse. Le prix moyen d’une voiture électrique en France au 1er trimestre 2023 serait de 40 711 € (AAA DATA). Selon France Stratégie, le surcoût est en moyenne de 16 000 € par rapport à son équivalent thermique. Cet écart peut se réduire à 7 000 € avec le cumul des aides financières (prime à la conversion, bonus écologique…). L’investissement reste important et par conséquent, l’électrification exclut les ménages les plus modestes.

Quant au e-carburant, son prix est bien moins abordable que celui du carburant classique et il est également difficile à produire en grande quantité. Son usage pourrait être réservé aux transports qui ne peuvent pas être électrifiés comme l’aviation ou le transport maritime, ou encore aux voitures de luxe.

Réflexion à mener avant d’acheter

Le coup d’arrêt à la vente de voitures thermiques neuves a pour objectif de réduire l’impact des transports sur l’environnement en incitant à la transition vers des modes de déplacement plus vertueux.

L’industrie a beaucoup misé sur la voiture électrique, mais son intérêt doit être évalué par chacun en fonction de ses propres pratiques. La rentabilité d’un véhicule électrique sera ainsi différente selon l’usage qui en est fait : urbain (10 000 km par an) ou routier (plus de 30 000 km par an).

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L’électrique semble plus approprié en ville que pour les longues distances

D’autres facteurs entrent en jeu mais peuvent fluctuer dans le temps : le prix du carburant, celui du kWh, le bonus écologique, la prime à la conversion…

En outre, au regard de la moyenne des usages, le véhicule électrique semble plus approprié en ville que pour les longues distances. En effet, d’après la dernière enquête de mobilité en France datant de 2019**, seuls 6 trajets par an en moyenne nous emmènent à plus de 80 km de notre domicile (des chiffres qui cachent de nombreuses disparités étant donné que la moitié des Français ne partent pas en vacances).

Mais la majeure partie de nos déplacements concerne le travail, les courses, les loisirs et les visites chez des proches. Pour Aurélien BIGO, chercheur sur la transition énergétique des transports, ces chiffres questionnent d’ailleurs l’intérêt d’augmenter toujours plus l’autonomie des batteries des véhicules électriques.


*Une interdiction qui concerne tous les véhicules diesel et essence neufs, en dehors des e-carburants (des carburants de synthèse fabriqués à partir de biomasse ou encore de dioxyde de carbone et d’hydrogène, massivement développés par le groupe allemand Audi). L’ exemption a été accordée par l’UE pour que l’Allemagne lève son veto. Les véhicules thermiques pourront toujours être produits et les véhicules d’occasion continueront de circuler en dehors des ZFE-m.

**« La voiture, une drogue dure ? » – France Inter (07/09/2023)


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