Produits laitiers : faut-il les éviter ?

Les produits laitiers sont-ils toujours des « amis pour la vie » ?

Nous consommons du lait et des produits laitiers depuis des millénaires, mais leur intérêt est aujourd’hui discuté. Qu’en est-il vraiment ?

Les Français sont friands de produits laitiers. Selon le ministère de l’agriculture, ils en ont consommé au total 8 millions de tonnes en 2020, soit 53 kg de lait, 26 kg de fromage et 8 kg de beurre par an et par habitant.

Pourtant aujourd’hui, leurs bienfaits sont remis en question et de nombreux maux leur sont attribués. Devons-nous arrêter d’en consommer ?

Tous intolérants au lactose ?

Depuis 2009, les ventes de lait de vache ont chuté de 20 %, notamment parce que de plus en plus de consommateurs soupçonnent les produits laitiers d’être à l’origine d’inconforts digestifs. C’est ce que révèle le documentaire « Produits laitiers, faut-il s’en passer ? », diffusé sur France 5 le 11 octobre dernier.

En effet, de nombreux consommateurs semblent mal assimiler le lactose, sucre naturel du lait. Pour être digéré, ce dernier doit être dégradé par une enzyme appelée la lactase. Si elle n’est pas sécrétée, le lactose migre directement dans l’intestin et génère des inconforts digestifs mais également des maux de tête, des difficultés de concentration, de l’eczéma, des douleurs articulaires ou encore des sinusites. Ces différents symptômes ont été mis en évidence par les travaux de l’université d’Oxford, qui travaille sur l’intolérance au lactose depuis 20 ans.

L’intolérance ne doit toutefois pas être confondue avec l’allergie aux protéines de lait de vache, qui concerne essentiellement les nourrissons.

Les chercheurs savent aujourd’hui que tous les mammifères ont la capacité de digérer le lait étant jeunes et la perdent une fois adultes. Chez l’être humain, certaines populations sont dites « persistantes à la lactase », c’est-à-dire qu’elles gardent cette faculté à l’âge adulte. Evelyne Heyer, professeure d’anthropologie génétique, explique dans le documentaire qu’il s’agit en réalité d’une « mutation génétique qui permet à cet enzyme de continuer à fonctionner ». Elle serait apparue au moment de la domestication des animaux il y a environ 10 000 ans, au Proche-Orient. Cette mutation, à la faveur de l’évolution, s’est transmise de génération en génération, si bien que la majorité des populations du nord de l’Europe en sont pourvues. Mais ce n’est pas la norme dans le reste du monde. En Afrique ou en Asie, 80 % de la population ne digère pas le lactose, contre 30 % seulement en France par exemple.

La consommation de produits laitiers en Europe a contribué à la persistance de la lactase dans la population, et donc à une bonne digestion, depuis environ 3 000 ans. C’est pourquoi l’intolérance y est moins fréquente qu’en Afrique ou en Asie par exemple, où la population en mange très peu. La mauvaise digestion du lait est donc plus la règle que l’exception. Les enfants sont sevrés vers 2 ou 3 ans et perdent la capacité à digérer le lactose.

Il faut néanmoins savoir que les produits laitiers transformés, comme le fromage ou les yaourts, posent moins de problèmes de digestion car ils ne contiennent que des traces de lactose, en particulier le beurre et les fromages à pâtes dur.

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Intérêts nutritionnels

Les produits laitiers sont réputés pour leur teneur en calcium, mais pas seulement. Ils contiennent aussi des protéines de bonne qualité. Toutefois, le calcium peut se trouver dans d’autres denrées alimentaires en bonne quantité, comme les légumes à feuilles, les sardines, les fruits à coques ou encore les eaux minérales riches en calcium par exemple.

Quant à l’intérêt du calcium pour prévenir le risque de fractures, rien ne le prouve selon Thierry Souccar, journaliste scientifique spécialiste de nutrition. Dans une émission consacrée aux produits laitiers sur France Inter, le journaliste explique que si le calcium est bien un minéral essentiel pour la fabrication et la longévité de notre squelette, la quantité nécessaire à ingérer ne fait pas consensus. Il existe une grande variabilité dans les recommandations, reposant pourtant sur les mêmes études scientifiques : elles sont de 500 mg/jour selon l’OMS, de 700 mg/jour en Grande Bretagne et 1 000 mg/jour en France entre 19 et 23 ans.

Les besoins en calcium seraient très individuels et dépendants de la qualité globale du régime alimentaire.

Marie-Caroline Michalski, directrice de Recherche à l’INRAE (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement), ajoute dans la même émission qu’actuellement en France, une femme sur deux et un homme sur quatre ne consomment pas assez de calcium, ce qui peut entrainer des pathologies osseuses à long terme, mais que la consommation de produits laitiers seuls ne couvre pas l’intégralité des besoins. Une alimentation équilibrée reste donc essentielle.

Par ailleurs, les prédispositions aux fractures et l’assimilation du calcium sont liées à la qualité de vie et la pratique d’une activité physique. Il est donc difficile de comparer des populations de pays différents, par exemple, dans lesquels elles seront plus ou moins sédentaires.

A lire également : « Allégations nutritionnelles : sont-elles fiables ?« 

Nouvelles recommandations

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Extrait des recommandations du PNNS

Pendant des années, nous avons été abreuvés de publicité en faveur des produits laitiers. Alors que les recommandations officielles préconisaient 3 à 4 produits laitiers par jour, le PNNS (programme nutrition santé) a abaissé ce seuil pour la première fois en 2016, et conseille désormais de n’en consommer que deux par jour (trois pour les enfants).

Aujourd’hui, les messages de prévention distillés au fil des décennies dans la publicité sont controversés et ne font plus l’unanimité au sein même de la communauté scientifique. Deux camps s’affrontent : les partisans et les détracteurs des produits laitiers.

Le professeur américain Walter Willett, chercheur en nutrition à la Harvard School of public health, fut l’un des premiers à émettre des doutes sur l’intérêt du lait pour la santé osseuse, expliquant qu’aucune preuve scientifique solide n’atteste d’un effet protecteur du lait sur le risque de fracture.

De l’autre côté, des professionnels de santé ne partagent pas cet avis, indiquant que l’intérêt des produits laitiers sur l’ostéoporose n’est pas nul, en s’appuyant sur des études.

D’ailleurs, les produits laitiers sont l’un des sujets les plus étudiés du secteur agroalimentaire. Mais toutes les données produites sont-elles fiables ? Dans le documentaire de France 5, les journalistes ont transmis un panel d’études à Mélissa Mialon, chercheuse en santé publique et experte en conflit d’intérêt. Or, nombre d’entre elles étaient financées par des industriels ou le lobby laitier. Sans surprise, les études subventionnées par les professionnels du secteur ont des conclusions plutôt favorables.

Risque d’une surconsommation de lait

Les récentes recherches ayant conduit les autorités de santé à baisser les niveaux de consommation recommandée font état de « risques suggérés », notamment pour le cancer de la prostate. C’est le cas dès lors que la consommation excède trois produits laitiers par jour. Ces nouvelles recommandations ont été mal perçues par les industriels. Pourtant, elles sont en cohérence avec les données scientifiques collectées et la balance bénéfice/risque qui en résulte, comme l’explique, dans le documentaire de France 5, le Dr Mathilde Touvier, chercheuse en nutrition ayant participé aux études qui ont permis d’établir ces nouvelles recommandations.

Boissons végétales : pas l’idéal

Certains consommateurs sont tentés de se tourner vers les boissons végétales à base de riz, d’amandes, de noisettes, d’avoines… en guise de substitution du lait. Mais attention, elles n’ont absolument pas les mêmes propriétés. Elles manquent de protéines et de minéraux, d’autant plus si elles ne sont pas enrichies en calcium.

Par ailleurs, ces boissons sont souvent trop sucrées, même lorsqu’elles sont « sans sucre ajouté ». En effet, les boissons à base de féculents, naturellement plus riches en sucre, auront un apport glucidique proche des jus de fruits. Quant aux boissons végétales aromatisées, au chocolat ou à la vanille, elles sont aussi sucrées que des sodas…

Par ailleurs, le sucre étant rapidement assimilé, il entraîne un pic de glycémie suivi d’une hypoglycémie 2 à 3 heures après, pouvant favoriser des fringales. Cela amène à consommer davantage de nourriture et donc peut entraîner in fine de la prise de poids.

Ainsi, ces « jus » doivent être assimilés à des aliments plaisir. Pour remplacer le lait, mieux vaut privilégier le lait sans lactose et les fruits secs entiers comme les amandes ou les noix.

Enfin, ces boissons ne doivent pas être données aux bébés et enfants en bas âge.

Quant aux boissons à base de soja, elles inquiètent les scientifiques, en raison de leur teneur en phytoœstrogènes, molécule accusée de perturber le système endocrinien.

Pourtant, la mention de la quantité contenue dans le produit n’est pas obligatoire sur l’étiquette. Il est donc difficile pour le consommateur adepte de produits à base de soja de connaître la dose de phytoœstrogène qu’il ingère.

Aujourd’hui, les diététiciens recommandent de ne pas dépasser deux portions de produits à base de soja par jour. En outre, ces produits sont fortement déconseillés aux femmes enceintes, aux jeunes enfants et aux femmes ayant eu des antécédents de cancers hormonaux dépendants (sein, ovaire…).


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