Développement personnel et dérives sectaires

L’essor du développement personnel ouvre la porte aux nouveaux « gourous 2.0 ».

Le développement personnel et le bien-être sont devenus un objet de consommation comme un autre. Livres, activités physiques, ’alimentation ou santé, de nombreux domaines sont concernés. Mais sous le prisme du « mieux être », des dérives surviennent, au point d’inquiéter la Miviludes (Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires).

A la recherche de la performance

Depuis le début de la crise sanitaire, le phénomène des médecines complémentaires et des thérapies du bien-être est en plein essor. Mais il n’est pas totalement nouveau, la pandémie lui ayant simplement donné un coup d’accélérateur.

En effet, le succès du développement personnel remonte aux années 1970 aux Etats-Unis, à une époque où selon certains, la société bascule dans l’aire du narcissisme. Les individus seraient davantage centrés sur eux-mêmes, tolèreraient mal la frustration mais surtout, seraient à la recherche d’une amélioration de leurs performances et d’une méthode pour mieux s’adapter à la société. Une origine sur laquelle revient Marie-France Hirigoye, psychiatre, psychanalyste et thérapeute familiale systémique, dans une émission de France culture datant de 2021.

La volonté de performer est issue du monde du travail, où les méthodes de management et de communication d’entreprise poussent les individus dans leurs retranchements. Peu à peu, ce besoin de performance s’est étendu à d’autres domaines comme le sport, l’éducation et la santé.

De thérapeute à coach, voire gourou

De nouvelles pratiques thérapeutiques ont vu le jour, plus brèves et davantage dirigées sur la personne, renforçant ce phénomène de narcissisme pour Marie-France Hirigoye. Un phénomène amplifié par Internet et les réseaux sociaux où nous nous devons de montrer la meilleure version de nous-même et où tout le monde se compare en permanence. Selon la psychiatre, la notion de bonheur et de bien être aurait supplanté peu à peu celle de réussite économique.

Jusqu’à récemment, n’importe qui pouvait s’autoproclamer psychothérapeute. Aujourd’hui, les professions « psy » sont mieux encadrées : seuls les psychiatres, psychologues et personnes ayant suivi une formation diplômante dans ce domaine peuvent faire des consultations.

Les thérapeutes non certifiés d’hier sont, pour certains, devenus des « coachs de vie » aujourd’hui, profession qui n’est régie par aucune réglementation…

C’est ce manque d’encadrement qui entraîne des dérives. La Miviludes recense un nombre de signalements en augmentation depuis plusieurs années au sujet de pratiques thérapeutiques alternatives. En 2021, la mission a comptabilisé 4 200 sollicitations, soit une hausse de 33 % par rapport à l’année précédente, dont 744 concernaient le domaine de la santé. Elle s’inquiète particulièrement au sujet de ce qu’elle nomme les « gourous 2.0 » : des manipulateurs isolés et autonomes surfant sur le contexte sanitaire. Entre mars et décembre 2020, 120 signalements y étaient directement liés.

Dérives sectaires et complotisme

Parmi les gourous qui sévissent, certains rejettent ouvertement la médecine moderne, la vaccination ou encore la chimiothérapie au profit d’autres pratiques, telles que le jeûne par exemple. Ils nourrissent une forte défiance vis-à-vis de la science et flirtent allègrement avec le complotisme. Des dérives très dangereuses qui touchent toutes les catégories de population, même parmi les plus informées, en raison de la mise en œuvre de mécanismes visant à vulnérabiliser les personnes. Ces mécanismes sont mis en place de façon progressive, ce qui les rend difficile à déceler. Des phénomènes d’emprise peuvent survenir, parmi lesquelles l’isolement et l’endoctrinement.

Si chacun est libre de ses croyances et de ses pratiques, la psychiatre Marie-France Hirigoye rappelle que cette liberté a ses limites, dès lors que la santé et l’intégrité des personnes sont en jeux et que des escroqueries financières ou abus de faiblesse sont relevés.

Polémique « Doctolib »

L’été dernier, Doctolib, le leader français de la prise de rendez-vous médicaux en ligne, était au cœur d’une polémique car le site référençait des naturopathes aux pratiques douteuses.

Certains seraient en effet proches du charlatanisme et de dérives sectaires, adeptes de Thierry Casasnovas et d’Irène Grosjean, deux personnalités influentes dans ce domaine mais aux positions discréditées dans le monde de la santé.

Dans un communiqué, Doctolib a annoncé « renforcer ses procédures de vérification et de signalement des professionnels référencés sur son site ».

L’entreprise travaille également à limiter tout risque de confusion pour le patient, afin qu’il distingue bien les praticiens du bien-être des professionnels de santé. En effet, étonnamment, ces deux activités se côtoient sur le site alors qu’elles ne relèvent pas des mêmes obligations.  Les professions de santé sont définies par le Code de la santé publique, ce qui n’est pas le cas de toutes les autres professions autour du bien-être (naturopathie, mais aussi réflexologie, chiropractie, reiki, kinésiologie…)

Il est également important de rappeler que seuls les médecins généralistes et spécialistes sont autorisés à pratiquer la médecine en France. Le Code de la santé publique prévoit des sanctions pénales en cas d’exercice illégal de la médecine par des praticiens non conventionnels.

A lire aussi « Tout savoir sur les pratiques de soins conventionnelles »

Le business des livres de développement personnel

Les Français, de plus en plus soucieux de leur santé, leur bien-être et leur bonheur, sont adeptes de la littérature sur le sujet. Et il faut reconnaître que les propositions sont légion en librairie. La place dédiée à ces livres s’est considérablement accrue ces dernières années. Mais tous ne se valent pas…

Le magazine « 60 millions de consommateurs » a enquêté sur ce secteur très lucratif : près de 6 millions de livres vendus entre mai 2021 et avril 2022, pour un chiffre d’affaires de 71 millions d’euros !

Ces livres, aux prix très accessibles, promettent de donner les clés pour améliorer sa condition physique ou mentale par des exercices et changement d’habitudes au quotidien. Si de nombreux ouvrages sont inoffensifs (voire inutiles ou redondants), d’autres posent problème avec des propositions miracles et conseils douteux. Certains constituent même un produit d’appel visant à orienter le lecteur vers des conférences et autres séminaires… très onéreux.

Malheureusement, aucune loi n’empêche la publication d’un livre écrit par un thérapeute autoproclamé. Au lecteur d’être vigilant en se méfiant des personnes qui mettent en avant leur expérience personnelle, surtout si elle est mystique, et en se fiant à la reconnaissance de l’auteur par ses diplômes notamment. Il est possible de consulter la plateforme de l’Union nationale des associations de défense des familles et de l’individu victimes de sectes, qui centralise des centaines d’articles sur les mouvements sectaires. Si le nom de l’auteur y est référencé, mieux vaut passer son chemin.

Le chiffre d’affaires des livres de développement personnel a atteint les 71 millions d’euros

Cas des formations en finance

Au-delà du développement personnel, d’autres pratiques émergent avec notamment, des cours d’éducation financière en ligne et autres formations en finance. Elles ciblent particulièrement les jeunes, les entraînant dans des activités de trading dans lesquelles ils investissent leurs économies. Certains formateurs peu scrupuleux les poussent à arrêter leurs études ou quitter leur emploi, tout en les isolant de leurs proches. Les réseaux sociaux sont leur terrain de jeu favori puisque c’est là que la majorité des jeunes s’informe. Or ils sont pour la plupart incapables de distinguer une information fiable d’une autre non vérifiée…

La situation inquiète la Miviludes, qui prévoit d’organiser des assises dédiées à la lutte contre les phénomènes sectaires lors du premier trimestre 2023, en lien avec les ministères de l’Éducation et de la Santé.


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