La production massive de meubles et objets de décoration a des conséquences sociales et environnementales aussi désastreuses que la fast fashion.
Le 14 mai 2024, les trois associations Zéro Waste France, les Amis de la Terre France et le Réseau national des Ressourceries et Recycleries ont publié un rapport sur « l’envers du décor » des tendances de décoration.
Des collections sans cesse renouvelées
Au même titre que la fast fashion qui repose sur des pratiques visant à renouveler sans cesse des collections de vêtements à bas prix, la « fast déco » consiste en une production massive et à bas coût de meubles et articles de décoration.
Alors que ces derniers ont vocation à durer plusieurs années, le renouvellement des offres et des collections dans les catalogues pousse à la consommation, qui de fait explose (de même que la production de déchets).
Production de déchets multipliée par deux
En effet, le rapport révèle qu’entre 2017 et 2022, « le nombre d’éléments d’ameublement mis sur le marché en France a augmenté de 88 % », tandis que le nombre de déchets d’éléments d’ameublement (DEA) a été multiplié par deux entre 2014 et 2020. Une hausse due, en partie, à la crise sanitaire et aux confinements, période durant laquelle les Français ont davantage investi leur intérieur.
Parmi les articles dont les ventes se sont envolées ces dernières années, les trois associations notent d’une part les meubles d’appoint (tables basses, porte-manteaux, consoles…), d’autre part les produits rembourrés d’assise ou de couchage, comme les couettes, oreillers, coussins… Le mobilier de jardin connait aussi une belle croissance. Côté décoration, les rayons regorgent de bougies, plaids, ornements muraux, lampes, articles décoratifs de jardin…
Forte tension sur la filière bois
Tout comme dans l’industrie textile, ces meubles et objets de décoration sont fabriqués en masse, à bas prix et assortis d’offres promotionnelles créant artificiellement de nouveaux besoins.
Or les ONG rappellent que le renouvellement régulier de la décoration d’un logement avec des articles neufs contribuent au phénomène de « fast déco », dont les conséquences environnementales sont désastreuses. Tout d’abord en raison de l’impact de la phase de production, qui nécessite l’extraction et la transformation des matières premières, leur approvisionnement, leur assemblage.
Ces étapes représentent à elles-seule entre 50 % et 80 % de l’impact environnemental des meubles selon l’Ademe. La ressource en bois – le principal matériau utilisé dans la filière de l’ameublement – est particulièrement en tension.
Ensuite, au regard de la production de déchets engendrée : près de 1,3 million de tonnes collectées en France en 2022 soit 18,7 kg par an et par habitant.
Des meubles de moins bonne qualité
En outre, tout comme les vêtements de la fast fashion, les meubles et articles de la fast déco sont plus fragiles et moins facilement réparables, notamment en raison de la baisse de qualité des matières premières.
Ils ont également une incidence sur la santé des consommateurs : les meubles et articles de décoration neufs émettent des composés organiques volatils (COV), « dont certains sont irritants, cancérogènes, mutagènes, ou toxiques pour la reproduction » indique le rapport.
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Des conditions de fabrication indignes
Enfin, la production en masse a des impacts sociaux délétères, marquées par de nombreuses violations de droits humains. Le rapport fait part des conclusions d’une enquête (en anglais) de l’ONG Earthsight, qui a révélé « le recours au travail forcé et à la torture des prisonniers politiques en Biélorussie, en lien avec la fabrication de meubles vendus dans toute l’Europe ».
Des alternatives existent pour limiter les dégâts engendrés par la « fast déco », comme l’achat d’occasion, la réparation et l’autoréparation (bien que le rapport dresse la liste des freins à la réparation), l’upcycling des objets (le fait de transformer des vieux objets et matériaux en de nouveaux objets créatifs), etc.
Les trois ONG émettent neufs recommandations, telles que fixer des objectifs de mises en marché en conformité avec l’accord de Paris sur le climat, augmenter les financements dédiés au réemploi, pénaliser les enseignes qui commercialisent trop de produits, mieux encadrer la publicité…