Vous avez signé un devis auprès d’un professionnel pour l’exécution de travaux mais ce dernier vous fait attendre depuis des mois, voire ne donne plus signe de vie ? Le chantier semble être abandonné ? Que faire face à cette situation ?
Qu’est-ce qu’un « abandon de chantier » ?
Il faut tout d’abord dissocier l’abandon de chantier de l’arrêt temporaire de chantier. Ce dernier peut être justifié par un cas de force majeure (événement extérieur imprévisible et irrésistible), un cas fortuit, des intempéries ou une période de congés. L’entrepreneur doit en tout cas fournir un motif valable.
En revanche, l’abandon de chantier se caractérise par une interruption injustifiée et une durée anormalement longue des travaux.
Les obligations de l’entrepreneur
Une fois le devis signé et l’acompte versé, l’entrepreneur doit s’exécuter conformément au contrat sauf s’il justifie d’une interruption par l’un des motifs énoncés plus haut.
Il est soumis à deux obligations principales : d’une part, l’obligation d’atteindre le résultat déterminé au contrat, dite obligation de résultat (article 1231-1 du Code civil), d’autre part, l’obligation d’indiquer une date d’exécution ou de livraison sur le devis conformément à l’article L. 111-1 du Code de la consommation. En cas de non-respect des délais prescrits, le client pourra demander la résolution du contrat après avoir enjoint le professionnel de s’exécuter dans un nouveau délai raisonnable (article L. 216-1 du Code de la consommation).
A noter que les contrats de construction de maisons individuelles (CCMI) sont assortis d’une garantie de livraison, c’est-à-dire de l’engagement souscrit auprès d’un établissement financier ou un assureur en vue d’assumer financièrement l’achèvement du chantier en cas de carence du constructeur. Une attestation de garantie doit être annexé au contrat.
Quels recours ?
Il convient, dans un premier temps, de privilégier les démarches écrites à l’égard du professionnel. Elles pourront constituer des preuves plus tard. Attention aux faux prétextes, tels que le mauvais temps en hiver, tout motif invoqué doit être justifié.
Dans un second temps, si les relances classiques ne donnent rien, il faut mettre en demeure l’entrepreneur défaillant, par lettre recommandée avec accusé de réception ou par sommation d’huissier, de reprendre l’exécution des travaux dans un délai déterminé.
Cette lettre fait office de procédure amiable, une étape nécessaire avant toute saisine de la justice pour prouver qu’une tentative de résolution du litige a été engagée. En l’absence d’exécution du professionnel, il est alors possible de demander la résolution du contrat en justice.
Le juge peut condamner l’entreprise à terminer les travaux sous astreinte, via une procédure en référé. Une pénalité sera due par jour de retard à compter de la notification de la décision.
Si l’entreprise rencontre des difficultés financières et que l’arrêt des travaux est dû à une mise en redressement judiciaire, la mise en demeure doit être envoyée à l’administrateur judiciaire qui représente le professionnel (les coordonnées sont disponibles auprès du greffe du Tribunal de Commerce du siège de l’entreprise (greffe du Tribunal judiciaire en Alsace-Moselle). La démarche est indispensable pour déclarer la créance, même s’il y a très peu de chance de récupérer les sommes versées car d’autres créanciers seront prioritaires.
Précautions à prendre
C’est au client de prouver qu’il y a bien un retard. La date de début des travaux et leur durée prévisionnelle doivent être indiquées dans le devis. Mais ce n’est pas toujours le cas et les particuliers n’osent pas toujours réclamer ces mentions. C’est pourquoi il est conseillé de privilégier les échanges par écrit, en précisant la date de début des travaux, celle de l’encaissement de l’acompte et le délai déjà écoulé.
Attention à ne pas vous mettre en tort. En signant un devis avec un professionnel, vous vous engagez à lui confier les travaux. Si vous les faites réaliser par un autre entrepreneur, le premier pourrait vous réclamer l’intégralité du prix convenu dans le devis, même s’il n’a pas commencé le chantier. L’arrêt du chantier doit impérativement être constaté par un huissier de justice, à qui il conviendra de transmettre devis et preuve des acomptes versés et qui établira un procès-verbal (PV) de constat d’abandon. Ce PV servira en cas d’action en justice et permettra de faire réaliser le reste des travaux par une autre entreprise, mais seulement après accord du juge.
Comment se faire aider ?
Vous avez plusieurs possibilités pour vous aider à résoudre un litige sur un chantier en cours :
– Les juristes de la Chambre de Consommation d’Alsace et du Grand Est peuvent vous guider dans vos démarches et vous renseigner quant aux recours dont vous disposez en cas de litige avec un professionnel ;
– Faire appel à un conciliateur de justice (gratuit) via la Maison de la justice, sur www.conciliateurs.fr ou directement auprès du tribunal. Pour un litige inférieur à 5 000 €, cette démarche est obligatoire avant de saisir le tribunal judiciaire ;
– Signaler le litige à la DGCCRF (Répression des fraudes) ;
– Solliciter votre assurance protection juridique, garantie accessoire proposée dans le cadre des assurances Multirisques Habitation. Certains frais pourront être pris en charge ;
– Contacter l’assurance responsabilité professionnelle de l’artisan ou de l’entreprise, dont les coordonnées doivent figurer sur le devis ;
– Si un architecte supervise vos travaux, ce dernier doit souscrire à une assurance qui pourra intervenir en cas de défaillance de l’entrepreneur
Pour éviter les mauvaises surprises, vérifiez avant les travaux que l’entreprise est toujours en activité (via le site infogreffe.fr), réclamez l’attestation d’assurance décennale de l’entreprise et prévoyez des règlements échelonnés.