Le Secours Catholique – Caritas France, le Réseau Civam, Solidarité Paysans et la Fédération française des diabétiques ont travaillé ensemble à la rédaction d’un rapport qui évalue les coûts de l’alimentation en France, tant économiques que sanitaires et environnementaux. Les associations alertent sur les dérives d’un système qui coûte cher et qui nourrit mal.
Ces quatre associations se sont réunies pour mettre en lumière l’injustice du système alimentaire actuel, touchant à la fois les agriculteurs, les consommateurs précaires et la planète. Leur étude chiffre précisément l’ensemble des coûts publics liés à notre alimentation, révélant les impacts sanitaires, sociaux et environnementaux.
Le constat de départ est alarmant : 8 millions de Français seraient en insécurité alimentaire et le nombre de diabétiques a augmenté de 160 % en 20 ans, tandis que 18 % des agriculteurs vivent sous le seuil de pauvreté. En outre, la biodiversité est en souffrance avec la disparition de 30 % des oiseaux des champs en 15 ans. Or, ce collectif refuse de dissocier ces enjeux et de favoriser l’un plutôt qu’un autre, dans un système où tout le monde souffre, tant les ménages modestes que les paysans.
19 milliards d’euros de dépenses publiques
L’étude pose la question de ce que nous payons réellement dans notre système alimentaire sur l’ensemble de la chaîne. Et le plus gros de la dépense concerne les compensations et réparations des dégradations engendrées par le système agroalimentaire, dont 11 milliards d’euros par an sont consacrés aux maladies liées à notre mauvaise alimentation (en particulier le diabète et l’obésité).
Mais les coûts environnementaux pèsent lourd également, notamment pour la dépollution de l’eau et la gestion des déchets. Quant aux coûts sociaux, ils s’élevaient à 3,4 milliards d’euros en 2021 pour compenser la faiblesse des rémunérations dans le secteur agricole et tout au long de la chaîne.
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La honte, le stress et la colère
À cela s’ajoutent des dommages et pertes inestimables qui ne sont pas chiffrables (perte de biodiversité, maladies liées à l’exposition aux pesticides dans l’alimentation et dans l’eau, dégradation des sols liés à l’agriculture, mais aussi perte d’estime de soi, dégradation de la santé mentale…).
En outre, les dommages sociaux englobent la honte et le stress de ne pas pouvoir se nourrir soi-même, ainsi que ses enfants, sainement, qui se traduisent par « l’isolement social et les problèmes de santé mentale, faute de pouvoir inviter amis ou petits-enfants à passer à la maison ». Les témoignages de l’étude font remonter également la charge mentale et la colère face aux injonctions à mieux manger et mieux rémunérer les producteurs pour ceux qui n’en ont pas les moyens, alors que de leur côté les paysans s’épuisent dans un système qui les broient pour toujours plus de productivité.
En parallèle, l’étude met en lumière les 5,5 milliards d’euros investis par le secteur agroalimentaire dans la publicité et la communication pour des produits gras, sucrés et salés ; « c’est plus de 1 000 fois le budget de communication du programme national Nutrition Santé », peut-on lire dans le rapport.
Un système que nous finançons tous
L’étude révèle que nous participons au financement de ce système au travers des 48,3 milliards d’euros de soutiens publics octroyés en 2021 via des subventions, des achats directs et des exonérations fiscales ou sociales.
« Plus de 80 % de ces soutiens bénéficient à des acteurs pris dans une logique de course aux volumes, qui va de pair avec la standardisation des matières premières agricoles et une pression sur les prix payés aux agriculteurs », assène le rapport.
Comment agir ?
Les associations réclament une vision globale qui passerait par une loi-cadre pour fixer des objectifs et des échéances afin de transformer le système alimentaire. L’idée serait que l’ensemble de ces questions soient prises en compte au sein d’un même ministère par exemple. Elles demandent également davantage de démocratie et de participation citoyenne sur les questions alimentaires.
Dans le rapport, elles dressent plusieurs dizaines de recommandations, à plusieurs niveaux (local, national, international, au sujet de l’accessibilité, de la transition agroécologique…).
En tout état de cause, la réponse n’est pas unique et les changements doivent intervenir sur plusieurs volets : « Il n’est pas à la portée du consomm’acteur de changer structurellement nos modèles de production et de consommation ».