Faut-il se méfier des applications de rencontre ?

À l’approche de la Saint Valentin, de nombreuses personnes s’apprêtent à célébrer l’amour. Pour les célibataires en quête de rencontre, les applications sont une opportunité, bien que leur usage décline. Mais elles ne sont pas exemptes de problématiques, de la collecte des données personnelles à l’implication de l’intelligence artificielle (IA). Alors, peut-on s’y fier ou doit-on s’en méfier ?

2 000 applications de rencontre

Les sites de rencontre ont pris la suite des agences matrimoniales et des petites annonces dans les journaux locaux à la fin des années 1990. Les applications de rencontre ont vu le jour au début des années 2010 (dès 2012 pour Tinder, une des plus connues).

Aujourd’hui, ce sont plus de 2 000 applications et sites de rencontre qui sont proposés en France*. Selon les chiffres relayés par la Cnil, en 2018, « plus d’un quart de la population s’était déjà inscrite sur un site de rencontre » en France.

La crise sanitaire et le premier confinement ont entraîné une hausse drastique des usages : en mars 2020, Tinder a connu un pic à 3 milliards de swipe [NDLR : action de faire glisser son doigt sur l’écran] par jour !

Souvent, les utilisateurs de ces applications sont inscrits sur plusieurs plateformes en même temps.

Affinités numériques

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Tinder, créée en 2012, est l’une des applications leader du marché

Face à ce marché pléthorique, les personnes inscrites orientent leur choix davantage par le bouche-à-oreille que par la publicité. « On choisit l’application en fonction de la communauté à laquelle on appartient », explique au média Slate Adrien Péquignot, chercheur en sciences de l’information et de la communication.

De fait, si toutes les applications ont un mode de fonctionnement similaire, chacune offre des spécificités pour se différencier et attirer certains types de publics (centres d’intérêt, orientation sexuelle, appartenance à une communauté, recherche de relation longue durée ou de simple flirt…).

Selon Marie Bergström, sociologue à l’INED s’intéressant au sujet de l’amour numérique, les rencontres virtuelles « ne modifient pas radicalement les déterminants sociologiques de l’appariement ».

Autrement dit, les personnes continuent de rechercher des partenaires issus du même milieu socio-culturel.

En revanche, les applications de rencontre ont engendré un nouveau facteur de risque que sont les données personnelles numériques, inhérentes au fonctionnement du service. 

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Chères données personnelles

Informations de profil (décrivant ses goûts, habitudes, centres d’intérêts, profession…), photos, préférences en termes de relation, lieux de vie… les données personnelles renseignées sont nombreuses.

En 2021, Camille GIRARD-CHANUDET, chargée d’études prospectives à la Cnil, s’est penchée** sur les règles de confidentialité des services détenus par Match Group (Tinder, OkCupid, Meetic, Badoo…), qui précisent les informations recueillies allant de la date de naissance, le genre, l’orientation sexuelle, l’origine ethnique, la religion jusqu’aux réseaux sociaux tiers utilisés en passant par le traçage de toutes les activités sur la plateforme (dates et heures de connexion, durée des échanges…).

Or, parmi ces données, nombreuses peuvent être considérées comme sensibles. La Cnil rappelle que le transfert vers des acteurs tiers de certaines informations est soumis à l’octroi d’un consentement exprès de la part des personnes concernées, conformément aux exigences posées par le RGPD en matière de données sensibles.

Pourtant, selon l’autrice, « ce consentement (…) peut (…) être questionnée. L’ampleur du champ de la collecte, la nature des activités que les individus conduisent sur les interfaces et la façon dont le consentement est recueilli peuvent en effet contribuer à la limitation de la conscience que celles et ceux-ci ont de ces opérations ».

En outre, il est difficile pour les utilisateurs d’application de brouiller les pistes et de camoufler certaines informations, dans la mesure où un minimum de sincérité est attendu pour concrétiser une rencontre…

Si les failles de sécurité pouvant mener à la fuite d’informations personnelles sont en tête des préoccupations des utilisateurs, ce sont en réalité les usages que les plateformes en font qui est plus problématique car difficilement perceptibles et mal connus des internautes.

La Cnil rappelle en effet qu’à l’instar d’autres services numériques gratuits, le modèle économique des applications repose beaucoup sur ces données personnelles qui peuvent être monnayées (échange et vente de ces données à des fins publicitaires notamment).

Quand l’IA s’incruste

Si l’intelligence artificielle sert avant tout à des fins sécuritaires (telle que la lutte contre la fraude par exemple), les chatbot*** s’invitent de plus en plus dans les applications de rencontre. Un article de Libération révèle ainsi que des utilisateurs n’hésitent pas à s’en servir comme d’un double virtuel pour engager la conversation à leur place.

Dans la plupart des cas, l’objectif est de trouver de l’inspiration pour poser de bonnes questions, comme le souligne Claire Rénier, responsable des tendances chez Happn : « Faire appel à l’intelligence artificielle pour une appli de rencontres répond, pour le moment, à un effet de curiosité ». Un peu comme si ces personnes demandaient conseil à un ami.

Mais des start-ups proposent des services payants – certaines s’adressant exclusivement à des hommes hétérosexuels, sous prétexte que ces derniers seraient désavantagés sur les applications – pour améliorer leurs photos et s’occuper de la sélection des profils susceptibles de leur correspondre (en se basant sur de précédents échanges avec d’autres personnes pour déterminer le profil idéal).

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Difficile de savoir si l’on converse avec une vraie personne ou un chatbot

S’en suit une conversation alimentée par le chatbot, le but étant de ne pas s’embêter avec les discussions superficielles des débuts mais de se contenter de prendre la main une fois le premier rendez-vous fixé.

Si l’usurpation d’identité est interdite sur les applications, l’utilisation de chatbot pour écrire à notre place n’est pas encore clairement encadrée alors que la pratique pourrait s’apparenter à de la manipulation. La journaliste Louise Cognard a testé l’une de ces IA et le résultat est plutôt glaçant…

Selon un sondage réalisé par Happn auprès de 1 065 célibataires (femmes et hommes), une personne sur trois utilisant cette application aurait déjà fait appel à une intelligence artificielle pour draguer en ligne. Plus des deux tiers des répondants (64 %) se disent prêts à sauter le pas tandis que 29 % s’y opposent totalement.

Difficile à ce stade de savoir si le recours à l’IA relève d’une future tendance, mais il ne manquera pas de soulever de nouvelles questions éthiques à l’avenir.

*Source : Agence Hello Pomelo
** « Apps de rencontre et données personnelles : « c’est un match ! »
*** Programme informatique qui simule et traite une conversation humaine, écrite ou parlée.


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