La « shrinflation » est un procédé marketing visant à maintenir le prix d’un produit tout en diminuant les quantités, si bien que le consommateur ne perçoit pas la hausse du prix au kilo. Si la pratique n’est pas interdite, elle est néanmoins moralement discutable.
Stratégie marketing bien rodée
L’expression anglaise « shrinkflation » est souvent traduite en français par le néologisme « réduflation » ; un mot valise issu des termes « réduction » et « inflation ».
Ce procédé marketing consiste à réduire la quantité d’un produit sans en modifier le prix. Une portion de fromage qui passe de 20 à 18 grammes, une cannette de soda réduite à 25 cl au lieu de 33, un paquet de chips ou de céréales de moindre contenance…
La pratique est autorisée et permet aux professionnels de l’agroalimentaire de répercuter la hausse du coût des matières premières, sans que le consommateur ne s’en rende toujours compte. Elle peut néanmoins être perçue comme une augmentation déguisée des prix.
D’où vient la skrinkflation ?
Le procédé est apparu dans les pays anglosaxons avec la transposition de la directive européenne 2007/45 qui fixe les règles relatives aux quantités nominales des produits préemballés. Ainsi, depuis le 11 avril 2009, de nombreux formats d’emballages ne sont plus réglementés (en dehors des vins et spiritueux). De nouveaux formats sont désormais proposés par les fabricants (900 g au lieu de 1 kg ou 600 g a lieu de 750 g par exemple). La Commission européenne a pris cette décision pour assurer une concurrence censée être bénéfique pour le consommateur. Toutefois, elle sème la confusion et rend moins lisibles les bonnes affaires.
Pratique en hausse ?
La « shrinkflation » existe donc depuis plusieurs années mais aurait tendance à s’amplifier, ce qui agace l’association Foodwatch. Cette dernière enquête sur ce phénomène en France depuis deux ans. Un travail particulièrement compliqué car le constat de hausses de prix au litre ou au kilo nécessite d’acheter les deux produits concernés au même moment et au même endroit.
L’association réussit à débusquer ces pratiques en partie grâce aux réseaux sociaux. Les consommateurs utilisent en effet ce canal pour signaler les marques quand ils constatent une différence. C’est ce que l’on appelle le « name and shame », ou mise au pilori, consistant à identifier une marque pour dénoncer ses pratiques.
Des industriels discrets
De leur côté, les industriels ne sont pas très bavards. Aucun n’a souhaité réagir dans les médias. Certains justifient les hausses par des changements opérés dans les recettes.
Pierre Chandon, professeur de marketing à l’Institut européen d’administration des affaires (INSEAD), explique sur France Info : « Un des soucis, c’est qu’en tant que consommateur, on a tendance à penser que les quantités sont fixes, alors qu’elles ne le sont pas », et d’ajouter : « Il faut bien se rendre compte que les portions ont énormément augmenté ces trente dernières années. On revient aux portions normales d’il n’y a pas si longtemps. ».
Mais pour Camille Dorioz, responsable de campagnes au sein de l’ONG Foodwatch, cette pratique marketing est surtout sournoise, « car elle consiste à attendre qu’un produit soit bien ancré dans le chariot du consommateur pour dégrader la qualité et/ou jouer sur la quantité, étape par étape. Le processus peut prendre 3 à 5 ans. Les acheteurs sont alors mois attentifs ».
Aux consommateurs donc d’être vigilants sur les produits achetés de manière récurrente pour déceler des changements sur l’étiquette et calculer le prix au kilo ou au litre !
Dommages collatéraux
La pratique de la Shrinkflation impacte également les agriculteurs, auxquels les industriels achètent moins de matières premières. En outre, elle a des effets délétères sur l’environnement en raison du surplus d’emballages inutiles qu’elle occasionne.
La loi anti-gaspillage pour une économie circulaire prévoit la fin des emballages plastiques à usage unique d’ici 2040. Une mesure qui permettra sans doute de lutter contre certains procédés employés par les industriels.
Skrinkflation dans d’autres domaines
Si le secteur agro-alimentaire est le plus concerné, le phénomène de « réduflation » est visible dans d’autres domaines. Selon le Financial Times, la restauration est aussi touchée, avec une réduction des quantités servies, une moindre diversité dans les accompagnements des plats ou encore des techniques de coupe des viandes afin que la portion paraisse plus importante qu’elle ne l’est en réalité.
D’autres secteurs peuvent également être concernés, mais de façon plus marginale. C’est le cas de l’immobilier, avec des appartements de petites surfaces, ou encore de l’automobile ou de l’aviation qui développent des voitures et des avions plus compacts.
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