La Commission européenne a publié sa feuille de route « produits chimiques » et de nombreuses familles de substances toxiques devraient être interdites d’ici 2030.
Limites planétaires
Le concept des limites planétaires a été créé en 2009 et définit un espace de développement durable et sécurisé pour l’humanité. Il repose sur neuf processus biophysiques qui, ensemble, assurent l’équilibre terrestre. Les seuils critiques de quatre d’entre elles ont été franchis. En janvier 2022, 14 scientifiques de renom ont publié une étude (en anglais) selon laquelle la cinquième limite, à savoir celle de la pollution chimique, venait d’être dépassée. Et fin avril, ce serait celle du cycle de l’eau douce qui aurait été atteinte.
Réglementation actuelle limitée
Selon l’office statistique de l’Union européenne (UE) Eurostat, plus de 300 millions de tonnes de produits chimiques sont fabriqués chaque année dans l’UE.
Le règlement Reach (règlement européen sur les produits chimiques) impose aux industriels d’enregistrer leurs substances auprès de l’ECHA (Agence européenne des produits chimiques).
Mais cette réglementation connaît des limites face au développement rapide du secteur. En effet, un nouveau produit chimique est développé toutes les 1,4 secondes en Europe, selon le Bureau européen de l’environnement (BEE), organisme qui fédère plus de 140 organisations environnementales à l’échelle de l’Union européenne (UE).
Interdiction des substances les plus nocives
Alors que la production chimique a été multipliée par 50 depuis 1950, la Commission européenne s’est saisie de cet enjeu. Dans sa feuille de route, publiée le 25 avril dernier, elle y a indiqué sa volonté d’interdire d’ici 2030 les substances toxiques chimiques « les plus nocives pour la santé humaine et l’environnement ». Une démarche qui s’inscrit par ailleurs dans sa stratégie pour la durabilité dans le domaine des produits chimiques, dans le cadre du Green Deal européen (Pacte vert pour l’Europe).
Elle cible plus exactement six familles de substances examinées par l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) : le groupe des PVC (polychlorures de vinyle), les parabens, retardateurs de flamme bromés, phtalates, bisphénols, éthers de glycol. Ces dernières représentent des milliers de produits chimiques qui sont présents dans les jouets, textiles, emballages alimentaires, meubles, peintures, vernis… et dont certains s’accumulent dans l’organisme.
Des milliers de substances concernées
Le BEE estime que ce sont entre 4 000 et 7 000 substances qui devraient être interdites. Si tel est le cas, ce serait « la plus grande suppression réglementaire jamais réalisée de produits chimiques autorisés », selon l’organisme.
Cette feuille de route complète la révision en cours du règlement Reach. La Commission européenne ambitionne d’éliminer les substances chimiques les plus dangereuses pour la santé et l’environnement dans les produits de grande consommation à l’horizon 2030. La liste des substances chimiques concernées sera évolutive et révisée chaque année.
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Les industriels en colère
De leur côté, les industriels sont vent debout contre cette décision. Selon le Conseil européen de l’industrie chimique (Cefic), la mesure impacterait de 28 % le chiffre d’affaires de ce secteur. Ils ont exercé un fort lobbying ces derniers mois à Bruxelles, pointant notamment la grande incertitude qui pèse sur eux. Le président du Cefic, Martin Burdermueller, explique : « L’industrie a besoin d’un cadre de croissance prévisible pour les investissements économiques au cours des deux prochaines décennies ».
Pour le BEE, le malaise provient également du fait que la Commission européenne vise des familles entières de composés chimiques, et non plus des substances au cas par cas. Les industriels ont tendance à modifier légèrement les formulations chimiques pour échapper aux interdictions. Or, ce ne sera plus possible, dès lors que la réglementation imposera des restrictions selon une approche de groupe « où le membre le plus nocif d’une famille chimique définit les restrictions légales pour toute la famille », précise le BEE.
Des mesures insuffisantes ?
La Commission européenne indique toutefois que des dérogations pourraient être accordées pour « certains usages jugés essentiels ». En clair, elle pourrait autoriser exceptionnellement certains produits chimiques dangereux. L’ONG Générations futures se montre vigilante : « On demande que les systèmes dérogatoires soient les plus fermés possibles et limités dans le temps. On veut que l’exception de la dérogation reste une exception ».
L’association UFC-Que choisir regrette quant à elle l’absence de garantie ainsi qu’un calendrier jugé « lacunaire et indicatif ».