La campagne Octobre Rose est un mois dédié à la sensibilisation sur le cancer du sein. Aujourd’hui, de nombreuses marques exploitent cette opération à des fins commerciales, pas toujours au bénéfice des femmes. C’est ce qu’on appelle le pinkwashing.
Cette campagne de sensibilisation est apparue aux Etats-Unis en 1985 avant d’être reprise en France en 1994, à l’initiative des marques de cosmétiques Estée Lauder, Clinique et du magazine Marie-Claire. L’objectif était de récolter des fonds destinés à la recherche médicale et de sensibiliser au dépistage. Aujourd’hui, nombreux sont ceux qui dénoncent une récupération commerciale massive qui tourne au « carnaval rose » à des fins purement opportunistes.
Du rose à tous les étalages

En effet, il n’est pas rare de voir dans des vitrines des affiches affublées d’un ruban rose (symbole international de la lutte contre le cancer du sein) promettant des réductions sur tel produit ou service, ou encore le reversement d’un pourcentage aux associations partenaires. Cela va des collants aux services de pompes funèbres, en passant par les parapluies roses made in China suspendues dans les rues…
Tout est bon pour coloriser des articles en rose pour l’occasion, sans réel rapport avec la santé (sous-vêtements, vélos, valises, boissons énergétiques…), voire pour créer des articles en forme de seins (désodorisants de voiture pour France Pare-Brise ou encore des gâteaux à Saint-Pol-de-Léon en 2024). Une instrumentalisation de la cause féminine, sous couvert d’actions caritatives, mais à des fins publicitaires que dénoncent de nombreuses associations.
Cette débauche de messages marketing se fait au détriment des réelles actions de prévention visant à informer correctement les femmes sur les risques de développer un cancer du sein qui, selon l’Inserm, augmentent avec le travail de nuit, les facteurs environnementaux (pesticides, perturbateurs endocriniens, polluants divers dans l’eau, dans l’air) et le mode de vie (alcool, tabac, sédentarité).
Baisse du dépistage

En outre, ce pinkwashing a tendance à dédramatiser, voire enjoliver, le cancer du sein et ses conséquences sur le quotidien des femmes malades et tout au long de leur vie : traitements lourds, dommages physiques et psychologiques, ablation du sein, suivi médical au long court, répercussions financières (certains frais ne sont pas entièrement remboursés), difficultés dans le milieu professionnel…
Par ailleurs, ce matraquage commercial n’a aucune incidence sur le dépistage des femmes de 50 à 74 ans, toujours inférieur à 50 % selon la Ligue contre le cancer, premier financeur associatif indépendant de cette recherche. Un résultat bien en dessous des préconisations européennes, qui tablent sur 70 % de taux de participation pour espérer un impact sur la mortalité.
Pis, ce taux ne cesse de baisser d’année en année : il était de 46,5 % sur la période 2022-2023 tandis qu’il est passé à 44 % en 2024 selon Santé Publique France (- 4 points en un an).
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Sandrine Jobbin, directrice de la communication de la Ligue, explique : « Le taux de participation a encore perdu 2,5 points en 2025. Nous avons lancé cette année une enquête pour chercher à comprendre les freins au dépistage et imaginer des parcours plus accessibles, davantage compatibles avec la charge pratique et mentale des femmes ».
Résultat, si un faible pourcentage des femmes reconnaissent ne pas avoir procédé à leur examen par flemme (5 %), procrastination (3 %) ou par scepticisme (2 %), 20 % d’entre elles ont fait part d’un examen contraignant par rapport à leur emploi du temps, des délais d’attente trop longs ou encore un manque d’infrastructures à proximité.
Renforcer les campagnes de prévention
En 2025, la campagne de la Ligue s’articule cette fois autour « des mots doux », avec des messages de fille, de copine, de compagnon, de petit-fils… Le plan média se déploie sur les réseaux sociaux ainsi que Doctolib avec pour objectif d’atteindre les 30 millions de vues. Une femme sur huit sera confrontée un jour à un cancer du sein dans sa vie ; les enjeux d’accessibilité à l’information, aux soins et à un accompagnement de qualité sont cruciaux.
Quant aux entreprises ou marques qui souhaitent soutenir la cause, elles sont invitées à procéder à des dons directement auprès des organismes de recherche, plutôt que de faire contribuer les consommateurs sans réelle transparence sur le devenir des reversements…