Deux ONG ont analysé des boîtes de thon, révélant qu’elles étaient toutes contaminées au mercure. De leur côté, les professionnels de la filière dénoncent une enquête « partiale et volontairement alarmiste ». Alors, qu’en est-il vraiment ?
Le thon en conserve est le poisson le plus vendu en Europe, mais c’est également le plus contaminé au mercure. Dans un rapport publié le 29 octobre 2024, les ONG Bloom et Foodwatch révèlent une contamination majeure des boîtes de thon vendues dans les grandes surfaces alimentaires.
Des taux de mercure qui dépassent les seuils
Les deux ONG ont analysé 148 conserves achetées en France, en Allemagne, en Angleterre, en Espagne et en Italie. Résultat : 100 % des produits sont contaminés par du mercure, un puissant neurotoxique.
Pis, deux tiers de l’échantillon (67 %) ont des teneurs qui dépassent les seuils autorisés : 57 % dépassent la limite en mercure maximale de 0,3 mg/kilo fixée pour d’autres poissons et 10 % se situent au-dessus de 1 mg/kg – la norme cette fois appliquée, par exception, au thon lorsqu’il est vendu frais.
Le thon le plus pollué de l’échantillon est celui de la marque française Petit Navire qui contient jusqu’à 3,9 mg de mercure par kilogramme de thon… L’entreprise a affirmé qu’elle mènera « toutes les investigations qui s’imposeraient ».
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Causes multiples de contamination
Les causes de la contamination sont multiples : éruptions volcaniques, exploitations minières, métallurgie, combustion des déchets et combustibles fossiles rejettent de grandes quantités de mercure dans l’atmosphère qui finissent dans les océans et s’accumulent dans la chair des poissons.
Le thon est particulièrement pollué parce que c’est un poisson prédateur qui accumule dans son organisme les métaux lourds contenus dans ses proies.
Alors que les Français consomment en moyenne 5 kg de thon par an et par personne – et que les recommandations nutritionnelles fixent la consommation de poisson à deux fois par semaine – le rapport suscite de vives inquiétudes.
« Les pouvoirs publics auraient dû établir des règles strictes pour que l’on consomme moins de thon mais c’est tout le contraire, s’alarme Julie Guterman, la principale autrice de l’enquête. Ce poisson se voit en effet attribuer une tolérance maximale en mercure trois fois plus élevée que les espèces les moins contaminées comme le cabillaud alors qu’aucune raison sanitaire ne justifie cet écart. »
Limiter la consommation de poissons prédateurs
De son côté, la Fédération des industries d’aliments conservés (Fiac) assure que la consommation de thon en conserve « n’est pas dangereuse pour la santé et les produits proposés aux consommateurs respectent scrupuleusement la réglementation française et européenne ».
Les professionnels du secteur indiquent qu’ils mènent « préventivement et régulièrement des centaines d’analyses chaque année » pour s’assurer que les seuils sont respectés. Leur base de données compte « plus de 2 700 résultats d’analyses collectés depuis 8 ans au niveau français ». Et « la teneur en mercure se situe en moyenne à 0,2 mg/kg, soit nettement sous la limite de 1,0 mg/kg autorisée », assure la Fiac.
Pourtant, l’Anses rappelle que « des consommateurs très réguliers de poissons prédateurs sauvages (plus d’une portion par semaine) peuvent présenter des niveaux d’exposition au méthylmercure dépassant la dose hebdomadaire tolérable ». L’Agence conseille de limiter la consommation de thon, ainsi que d’autres poisson prédateurs (comme le requin et l’espadon) aux femmes enceintes, allaitantes et aux enfants de moins de 3 ans.
En outre, le thon n’est pas le poisson le plus riche en oméga-3. Pour suivre les recommandations sanitaires, il est possible de se tourner vers les petits poissons tels que la sardine, le maquereau ou le hareng.
Bloom et Foodwatch demandent donc aux pouvoirs publics d’imposer une teneur en mercure limitée à 0,3 mg/kg de thon, comme pour les autres poissons, d’interdire la commercialisation des produits à base de thon dépassant 0,3 mg/kg de mercure sur leur territoire et de bannir le thon des crèches, hôpitaux, maternités, maisons de retraite et cantines scolaires.