Après le décès d’un proche, son alter ego numérique continue d’exister. Les réseaux sociaux (Facebook, Instagram, Twitter, LinkedIn…) mais également les comptes mail, Amazon et autre Paypal sont toujours actifs, ce qui pose la question de notre héritage numérique et du devenir de toutes nos données personnelles après notre mort.
Cimetières numériques
Selon une étude de l’Université d’Oxford publiée en avril 2019, on compterait 1,4 milliard de profils de personnes décédées sur Facebook d’ici 2100. Le nombre de morts pourrait être équivalent au nombre de vivants sur la plateforme dans les premières décennies du XXIIe siècle…
Si les testaments évoquent l’héritage financier ou matériel, rares sont les personnes à faire part de leur volonté quant à leur héritage numérique. Or, d’après les chiffres du Digital Report 2021, les Français possèdent en moyenne 6,6 comptes. La loi n° 2016-1321 pour une République numérique du 7 octobre 2016 a introduit la notion de mort numérique. Modifiant la loi du 6 janvier 1978, elle encadre le sort des données après le décès des personnes concernées.
Il est donc tout à fait possible de désigner par testament des héritiers numériques qui seront chargés d’exécuter les dernières volontés du défunt relatives à la conservation, à l’effacement et à la communication de ses données à caractère personnel. De leur côté, les géants du secteur, conscients de cet enjeu, ont mis en place des formalités pour permettre de résoudre cette question délicate.
Désactiver les comptes : comment faire ?
En l’absence de mots de passe ou de contact légataire désigné, la plupart du temps, les proches devront envoyer des demandes aux différentes plateformes en suivant les instructions de chacune d’entre elles pour procéder à la fermeture des comptes. Ils devront justifier du décès de la personne (via un certificat de décès), de leur identité et de leur lien avec le défunt. Pour Facebook, Instagram et Twitter, la procédure passe par un formulaire en ligne complétée des informations et justificatifs demandés.
Mais il est parfois compliqué pour les proches de désactiver les comptes de la personne décédée. Il est possible de transformer la page Facebook ou Instagram en « compte de commémoration ». Dans ce cas, la mention « en souvenir de » est affichée à côté du nom de l’utilisateur disparu, tandis que ses publications passées restent visibles. Pour Vanessa Lalo, psychologue clinicienne spécialisée dans les pratiques numériques, interrogée par le journal Le Point : « Cela permet de se recueillir n’importe où, n’importe quand, contrairement à un cimetière (…) c’est quelque chose de positif ».
En revanche, cette pratique invite de nombreuses personnes, plus ou moins connues du défunt, à déposer des messages de condoléances en ligne, ce qui peut être difficile à vivre pour la famille et « pose la question de l’intimité du deuil », selon Vanessa Lalo.
Par ailleurs, les algorithmes des réseaux sociaux font régulièrement remonter des souvenirs sur le fil d’actualité, ce qui peut également heurter les proches, en leur rappelant de façon brutale le décès de la personne. La solution peut être de retirer le défunt de ses contacts mais la décision est difficile à prendre : « ça peut aussi être perçu comme le tuer une deuxième fois », indique la psychologue qui conseille plutôt de masquer le contenu sans rayer le nom de sa liste d’amis.
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Des démarches parfois compliquées
Pour supprimer une adresse mail et un compte Google, il faut remplir un formulaire, disponible sur le centre d’aide de Google, et joindre le certificat de décès de l’utilisateur.
Concernant les utilisateurs de Yahoo, la procédure se déroule également via l’aide en ligne, mais il n’est pas possible d’accéder aux données du défunt (sauf en possession d’une ordonnance d’un tribunal irlandais).
Au sujet d’un compte Microsoft, le service dépositaire des archives de Microsoft doit être contacté par mail à l’adresse msrecord@microsoft.com en communiquant un certificat de décès ainsi qu’une preuve de lien avec le défunt et une copie de la carte d’identité du demandeur. Pour supprimer un compte Amazon, les proches doivent fournir une copie de l’acte de décès également par mail à bereavement-support@amazon.fr.
Concernant Paypal en revanche, c’est plus compliqué. L’exécuteur ou l’administrateur judiciaire doit envoyer un mail à l’adresse europeanservices@paypal.com et transmettre en plus de ses coordonnées, de ses papiers d’identité et de la copie du certificat de décès : la copie du testament (s’il existe), ou à défaut une déclaration désignant l’administrateur ainsi que son droit dans la succession et sa relation avec la personne décédée, une copie signée du formulaire d’indemnisation standard, une note indiquant la marche à suivre concernant l’argent restant sur le compte Paypal.
Ces diverses procédures durent en moyenne 30 jours. Les démarches sont parfois difficiles à entreprendre, c’est pourquoi certaines Pompes funèbres proposent de s’en charger avec un service inclus dans le prix de l’enterrement ou la crémation.
Maintenir le contact avec le défunt
En 2017, Microsoft a déposé un brevet pour la création d’un chatbot (ou « agent conversationnel » en français, un programme informatique qui simule une conversation humaine écrite ou parlée) permettant de représenter le double numérique de la personne décédée. Le système utilise les données laissées par le défunt pour discuter avec ses proches vivants.
Aucun cadre juridique ne régit ce domaine aujourd’hui. Cela pose plusieurs questions : le défunt aurait-il accepté que ses données soient utilisées à ces fins ? Fait-on réellement son deuil dans ce cas ? Ne risque-t-on pas au contraire de tomber dans le deuil pathologique (un deuil qui s’installe durablement avec parfois des troubles psychiques graves) ?