Les dark stores sont des magasins aux fenêtres opaques et sans clients, dans lesquels les livreurs vont et viennent à toute heure du jour et de la nuit. De nouveaux commerces qui suscitent la polémique.
Dark stores, dark kitchens : de quoi parle-t-on ?
Les « dark stores » sont des magasins fantômes utilisés par des entreprises de e-commerce pour la livraison rapide de courses via une application, parfois en quelques minutes. Ils désignent des entrepôts organisés comme des supermarchés, avec des rayons remplis de tous les produits de consommation courante. Seulement, ce sont des préparateurs de commandes qui arpentent les allées pour remplir des sacs en papier kraft qui seront livrés ensuite aux clients. Très souvent, ces locaux sont situés dans les centres-villes, au rez-de-chaussée d’immeubles d’habitation et donc au plus près des consommateurs.
Les dark kitchens fonctionnent selon le même principe, à la différence qu’elles sont destinées uniquement à la livraison de repas. Ces cuisines ne comportent ni devanture, ni salle de restaurant. Les entrepôts accueillent des cuisiniers qui confectionnent des commandes à la chaîne pour les plateformes de livraison comme Uber Eats ou Deliveroo.
Une croissance due à la crise
Ce concept existe depuis une dizaine d’années aux États-Unis. Mais depuis le début de la pandémie, des dizaines de start-up qui se revendiquent du « quick commerce » se sont développées en France. Ce phénomène génère une prolifération de magasins sans clients, aux vitres teintées, où les livreurs vont et viennent toute la journée.
La crise sanitaire a engendré une forme de replis des consommateurs, qui ont été de plus en plus nombreux à plébisciter cette pratique. Le fait de pouvoir passer commande et se faire livrer en restant chez soi en pleine pandémie en a rassuré plus d’un. Mais la plupart d’entre eux n’a pas connaissance du fonctionnement de ce système. Ils commandent via l’application sans savoir que leur plat ou leurs courses proviennent d’un hangar.
Vers une légalisation de ces magasins fantômes ?
Alors que les riverains se plaignent des nuisances engendrées par ces nouvelles activités et que de nombreux élus locaux reprochent à ces entreprises de s’être établies illégalement dans les métropoles, le Gouvernement aurait pour projet de légaliser leur existence par décret.
Une annonce qui inquiète presque tous les maires de France, tous bords politiques confondus. C’est le premier adjoint à la mairie de Paris en charge de l’urbanisme, Emmanuel Grégoire, qui a alerté le premier l’opinion sur Twitter, le 13 août dernier. Il révèle dans le journal Libération que l’éventuelle légalisation des « dark stores » est tiré d’un projet d’arrêté de la Direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP), entité du ministère de la Transition écologique. Au sein de ce texte, un paragraphe au sujet de ces magasins fantôme indique « que des “points de collecte d’achats commandés par voie télématique”, qui entraient jusqu’alors dans la catégorie des entrepôts, seraient désormais qualifiés de “commerces de détail” ».
Interrogé par l’AFP, le ministère délégué auprès du ministre de la Transition écologique, chargé de la Ville et du Logement, a confirmé cet été qu’un projet de décret et un projet d’arrêté sont « en cours d’élaboration », notamment pour « mieux encadrer le développement des dark stores, dark kitchens » et « clarifier le statut de ces locaux ».
Au-delà des nuisances (bruit, encombrement…), les élus reprochent à ces « dark stores » de ne pas respecter les réglementations en matière d’urbanisme mais également d’entraîner des dérives. Emmanuel Grégoire parle ainsi de « dumping » créant « une concurrence déloyale pour les plus petits commerces traditionnels ». Par ailleurs, de nombreux élus pointent un modèle qui encourage une déresponsabilisation des comportements individuels de consommation.
Après plusieurs semaines de concertation entre le ministère et les associations d’élus, les élus des villes et les métropoles concernées, un consensus semble avoir été trouvé le 6 septembre dernier. Ainsi, les dark stores seraient bien considérés comme des entrepôts, même s’ils disposent d’un point de retrait. En revanche, pour les dark kitchens, une nouvelle catégorie devra être créée. Ces nouvelles modalités seront prochainement actées par décret.
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Service de livraison éthique
Si vous souhaitez éviter les grandes plateformes de livraison, d’autres entreprises offrent aujourd’hui des alternatives plus éthiques et locales. A Strasbourg par exemple, la coopérative Kooglof! propose la livraison à vélo, via la plateforme CoopCycle, de plats de restaurants partenaires de la ville. La société coopérative a pour particularité d’appartenir à ses travailleurs. Contrairement au modèle du livreur en microentreprise avec les applications leaders du marché, les coursiers et coursières de Kooglof! sont aussi gérants et forment un véritable collectif qui vise à créer un modèle économique et social juste tant vis-à-vis de ses membres que de ses partenaires.
Et si vous ne voulez pas passer par un service de livraison mais soutenir le restaurateur de votre quartier, n’hésitez pas à le contacter en direct pour savoir s’il dispose d’une offre de vente à emporter. Aujourd’hui, de nombreux restaurants permettent de récupérer des plats après une commande par téléphone. C’est le cas de l’association Les Sheds à Kingersheim, qui propose les plats de son restaurant et les produits de son épicerie bio en vente à emporter. Une bonne façon de soutenir la profession en ces temps difficiles.