De nombreuses annonces sur Vinted présentent des articles prétendument vintages alors qu’il s’agit de vêtements neufs issus de l’ultra fast fashion. Des comptes anonymes qui recourent à l’intelligence artificielle (IA) pour tromper les consommateurs. Comment éviter de se faire avoir ?
L’intelligence artificielle générative est source de nombreuses tromperies et fausses informations sur Internet. Il n’est donc pas si étonnant de la voir débarquer sur les plateformes de vente en ligne de seconde main, en premier lieu sur Vinted.
Selon l’Institut Français de la Mode, la seconde main représente près de 11 % (10,9 %) des achats d’habillement des Français au premier trimestre 2025. Vinted est aujourd’hui la plateforme qui domine le marché de l’habillement français et, de ce fait, se retrouve la cible des fraudeurs.
Du dropshipping déguisé
Le dropshipping est une pratique qui prend de plus en plus d’ampleur. Elle consiste à l’origine pour le vendeur à commercialiser un article dont il ne se charge ni du stockage, ni de la livraison. Le consommateur n’a généralement pas connaissance de l’existence du fournisseur, ni de son rôle. Mais ces derniers mois, sur Vinted, des escrocs recourent à du dropshipping déguisé, en faisant passer des vêtements neufs, de mauvaise qualité et issus de l’ultra fast fashion (Shein, Temu, AliExpress…) pour des vêtements de seconde main.
Des comptes d’utilisateurs anonymes pullulent sur la plateforme et n’hésitent pas à recourir à l’IA pour promouvoir leurs articles. Ainsi, des vêtements achetés quelques euros sont revendus trois fois plus chers et souvent classés dans la catégorie « vintage » du site, avec des mentions du type « boutique indépendante » ou « boutique parisienne ».
Une dérive dénoncée par Johan Reboul, un influenceur engagé sous le pseudo de @lejeuneengage sur Instagram. Il a remarqué que les photos arboraient une esthétique souvent similaire et trop idéale, « beaucoup trop professionnelles pour être de la seconde main », explique-t-il.
Mais en poussant les recherches plus loin, il s’est aperçu que sur le compte d’un même vendeur, ce n’est jamais la même personne qui porte les vêtements et la chambre en arrière-plan est également différente à chaque fois. Les photos présentent parfois quelques bizarreries, comme souvent avec l’IA, tels que des membres mal positionnés ou déformés…
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Pratiques commerciales trompeuses
Pour traquer la provenance des vêtements, il effectue une capture d’écran de la photo sur Vinted puis lance une recherche par image sur Google (onglet appareil photo à droite de la barre de recherche). Cela permet de trouver les sites sur lesquelles la photo est utilisée, et donc de débusquer les articles de fast fashion.
Si le dropshipping est une pratique autorisée, bien que très encadrée, les faits dénoncés ici relève de la publicité mensongère et de pratiques commerciales trompeuses. La DGCCRF explique également sur son site que certaines pratiques déloyales sont prohibées dans le cadre du dropshipping et notamment « la diffusion d’informations fausses ou de nature à induire en erreur en matière d’origine du produit ».
Et ce type de comptes d’acheteurs-revendeurs semblent exister en quantité industrielle : les journalistes de France Info ont mené une enquête suite à ces dénonciations et ont pu constater que plus ils consultaient ce type d’annonces, plus l’algorithme de Vinted les mettait en avant, avec parfois des photos qui sont exactement les mêmes d’un vendeur à un autre.
Phénomène de « blanchiment textile »
Pour la docteure en histoire et spécialiste de l’habillement Audrey Millet, qui a observé le phénomène, « on assiste à un phénomène de blanchiment textile. C’est véritablement une falsification de l’histoire du vêtement, de l’histoire de cette plateforme Vinted et d’un recyclage de la fraude ».
Une pratique qui prouve, selon la spécialiste, « la mainmise de l’ultra fast-fashion sur Vinted. Ça nous rappelle que l’ultra fast-fashion a un seul objectif, c’est surproduire et survendre et faire des consommateurs les petits soldats du capitalisme ».
Quand elles sont signalées, ces annonces peuvent être supprimées (de même que les comptes frauduleux) mais force est de constater que le service de modération de Vinted est dépassé par le phénomène. Il revient donc aux utilisateurs de ces plateformes (Vinted mais aussi le Bon Coin) d’être particulièrement vigilants…