Plusieurs grandes enseignes proposent des produits dits « de seconde vie » dans des espaces dédiés. Mais des spécialistes du réemploi dénoncent un « habillage écologique » derrière cette pratique.
Les articles de seconde main se font désormais une place au sein des grandes enseignes, qui leur octroient des rayons entiers, souvent en mettant en avant une signalétique verte et un discours engagé. Mais tiennent-elles leurs promesses ?
Des produits « seconde vie » qui n’en ont pas toujours eu une première…
Les articles vendus dans ces espaces sont vérifiés, remis en état si besoin, mais leur origine est diverse. Si certains ont bien été utilisés par de précédents consommateurs, une bonne partie d’entre eux sont en réalité des retours clients ou des modèles d’exposition.
Dans le cas des retours, des clients ont changé d’avis et rapporté le produit conformément à la politique commerciale de l’enseigne ou l’article a connu une panne lors de sa mise en service. Dans le cas des modèles d’exposition, le produit n’a jamais quitté le magasin…
Si la part de produits d’exposition vendus reste souvent faible (moins de 5 % chez Fnac Darty selon l’UFC-Que Choisir), la proportion monte à un tiers chez Ikea. Ces espaces de vente comportent également des modèles incomplets ou abîmés lors de la livraison par exemple, ou encore des fins de série ; n’ayant jamais réellement connu une première utilisation, le concept de « seconde vie » pose alors question…
À ce titre, Coline Laurent, experte du réemploi, déplore auprès de l’association de consommateurs que les appellations « seconde main » ou « seconde vie » soient confondues avec « produit défectueux ». Elle estime donc ces termes trompeurs : « À mon sens, leur empreinte carbone est bien celle d’un produit neuf, car elle n’a pas pu être amortie par un utilisateur précédent. »
A lire aussi : Achats d’occasion : quelles sont les motivations des consommateurs ?
« Seconde vie » ne signifie pas toujours « reconditionné »
La revente d’articles ayant fait l’objet d’une réparation (appareils électroménagers, vêtements, jouets…) participe grandement à la réduction des déchets et les offres de ces enseignes y contribuent, mais partiellement seulement.
Guillaume Balas, délégué général de la fédération Envie (réseau d’entreprises d’insertion et acteur historique du reconditionnement d’appareils électroménagers) s’inquiète de voir les grandes enseignes privilégier les modèles les plus faciles à remettre en état : « Les retours clients et les modèles d’exposition sont généralement des appareils fonctionnels, ou presque. Rien à voir avec le processus industriel de reconditionnement mené chez Envie, avec diagnostic des appareils, réparation et changement des pièces d’usure. »
Selon les spécialistes interrogés par Que-Choisir, que l’article ait servi 10 ans ou soit un modèle d’exposition, ces achats permettent d’éviter qu’il ne devienne un déchet. Cela demeure donc positif, bien que la plus-value environnementale soit plus importante dans le premier cas.
Changer de vocabulaire
Le débat porte donc sur la terminologie utilisée. En effet, si les appellations « reconditionné » ou « reconditionnement » bénéficient d’une définition légale (tout comme les bien dits « d’occasion »), il en est autrement de l’expression « seconde vie ». Les articles abîmés ou modèles d’exposition peuvent être considérés comme des objets d’occasion, dans la mesure où ils ont subi « des altérations ne permettant pas leur mise en vente comme neufs ». Mais tel n’est pas le cas des fins de série qui sont des produits à l’état neuf. Il conviendrait que les enseignes emploient plutôt des termes comme « articles déclassés » par exemple, sans connotation « verte ».
Et quel que soit le terme utilisé, la DGCCRF rappelle que « le vendeur est tenu de délivrer une information claire au consommateur sur les caractéristiques essentielles du bien ». En outre, les produits achetés d’occasion à un professionnel bénéficient d’une garantie de conformité de 2 ans, mais avec une présomption d’antériorité des défauts réduite à 12 mois (contre 24 mois pour les produits neufs). Quant au délai de rétractation de 14 jours, il ne concerne que les articles vendus sur Internet ; en magasin, rien n’oblige les enseignes à procéder à un échange ou un remboursement si le client change d’avis.