Pots de yaourt : les lobbies industriels contournent l’interdiction du polystyrène

Une grande partie des pots de yaourt, crèmes dessert mais aussi barquettes de viande et de poisson est en polystyrène non recyclable. La loi Climat et résilience prévoyait son interdiction au 1er janvier 2025 ; le gouvernement a d’ores et déjà annoncé que les industriels ne seraient pas prêts. Une enquête du journal « Le Monde » et Franceinfo révèle que ces derniers ont procédé à un lobbying intense pour éviter l’interdiction.

Une filière de recyclage du polystyrène ?

Le polystyrène est un matériau apprécié des industriels pour ses qualités techniques, permettant de produire près de 14 milliards de pots de yaourts chaque année en France.

Pour en éviter une prohibition totale, les industriels étaient parvenus à obtenir que dans la loi, l’interdiction ne s’applique que si ces emballages n’intégraient pas de filière de recyclage. Or, à l’heure actuelle, aucun centre de recyclage en France ne sait traiter ces déchets, qui sont majoritairement brûlés ou enfouis. Le reste est expédié en Espagne et en Allemagne, sans retour possible au contact alimentaire.

Les industriels s’étaient engagés, au travers une « charte PS 25 », à créer une filière permettant le « recyclage des emballages en polystyrène avec retour au contact alimentaire ». Parmi les signataires : Syndifrais, le syndicat professionnel des produits laitiers frais (Yoplait, Lactalis, Senoble, Rians), des acteurs du lobby du plastique (Plastics Europe, Polyvia, Elipso), ainsi que Citéo*.

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300 millions de soutiens publics gaspillés !

Alors que les usines devaient être opérationnelles dès 2023, celles-ci sont toujours inexistantes. Seulement, « 300 millions d’euros de soutiens publics ont été investis via France 2030 pour « renforcer l’investissement dans la chaîne de recyclage et d’incorporation de matières plastiques » », note l’association spécialiste des déchets Zero Waste France, qui dénonce un « gaspillage d’argent public ».

pot de yaourt

Un état de fait d’autant plus choquant que le gouvernement avait déjà connaissance, dès 2021, de l’impasse de cette résolution.

Un rapport d’étape, comportant « de nombreuses allégations non sourcées, biaisées et lacunaires », indiquait alors que les industriels ont fait le choix de ne pas renoncer au polystyrène, privilégiant la voie du recyclage chimique avec trois projets opérationnels, chacun porté par un groupe industriel : le groupe Michelin, l’entreprise Inéos à Wingles dans le Pas-de-Calais et TotalEnergies.

Le rapport prévoyait également un suivi régulier de l’avancée des projets, qui au final ont tous été abandonnés…

Des filières finalement implantées à l’étranger

L’affaire semble jeter un froid auprès de certains partenaires de la charte : l’Ademe en charge de l’appel d’offre sur le recyclage chimique (avec une dotation publique de 300 millions d’euros) n’a pas souhaité répondre aux sollicitations des journalistes.

De son côté, Citeo admet avoir sélectionné deux projets industriels, mais qui seront implantés, non en France comme initialement prévu, mais en Espagne et en Belgique.

La question du polystyrène semble désormais remisée : un nouveau règlement européen prévoit que l’ensemble des emballages soient recyclables en 2030. Et dans un contexte d’élections législatives, le ministère de la Transition écologique assure quant à lui qu’il appartiendra au futur gouvernement de trancher.

*entreprise à mission créée par les entreprises du secteur de la grande consommation et de la distribution pour réduire l’impact environnemental de leurs emballages et papiers

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