De plus en plus d’autotests sont vendus en pharmacie. Pourtant, leur utilité pose question.
Aujourd’hui, les patients peuvent se dépister eux-mêmes pour un certain nombre d’infections. C’est le cas pour l’infection urinaire, l’anémie, la maladie de Lyme et bien-sûr le Covid-19, pour lequel plus de 46,5 millions de boîtes d’autotests de dépistage ont été commercialisées, en vente libre, par les pharmacies françaises entre avril 2021 et avril 2022. Mais selon une enquête de 60 millions de consommateurs, leur intérêt est plus que limité…
Plusieurs types de tests sur le marché
Les autotests font partie des trois grandes familles de tests biologiques existants, aux côtés des examens de biologie médicale (EBM) réalisés exclusivement sous la responsabilité d’un biologiste médical et des tests rapides d’orientation diagnostique (Trod) effectués par un professionnel de santé.
Les autotests ont la particularité d’être pratiqués dans le cadre de la vie domestique. Certains nécessitent une prescription médicale et sont remboursés par l’Assurance maladie car ils présentent une réelle utilité, comme les mesures de la glycémie pour les personnes diabétiques.
En revanche, tous les autres sont disponibles sans prescription, à des tarifs variant de 5 € à 40 € et vendus exclusivement en pharmacie (sauf pour les tests de grossesse et d’ovulation, également disponibles en grande surface).
Alerte de l’Académie de pharmacie
L’offre s’est multipliée en quelques années, avec des pratiques commerciales parfois agressives, ce qui a alerté l’Académie de pharmacie. Elle a publié un rapport en 2018 dans lequel elle constate que la plupart de ces tests ne sont pas pertinents : « Il y a un véritable risque d’inquiéter des patients pour rien ou d’en rassurer d’autres à tort qui, du coup, n’iront pas voir un médecin alors qu’ils en ont besoin », explique au magazine le Dr Michel Vaubourdolle, biologiste médical et animateur de ce travail.
Seuls l’autotest VIH et les bandelettes de détection d’une infection urinaire ont un intérêt confirmé pour l’Académie de pharmacie. Les autres soit présentent un « intérêt discutable », soit sont jugés inutiles (voire dangereux). C’est le cas par exemple des tests « prostate » ou « PSA », dont le résultat « faussement » négatif ou positif pourrait rassurer ou, au contraire, inquiéter à tort un patient.
Gare aux arnaques
D’autres tests onéreux s’avèrent aussi parfaitement inefficients, comme le test du microbiote intestinal proposé par des start-ups et gros laboratoires entre 150 € et 300 €. Pour la Société nationale française de gastroentérologie (SNFGE), ces tests « n’ont aucun intérêt clinique pour le médecin ou son patient. Ils ne peuvent en aucun cas aider à porter un diagnostic ou à guider les choix thérapeutiques. Ils ne sont pas recommandés et ne doivent pas être prescrits par les médecins, quelle que soit leur spécialité ».
Covid-19 : fiabilité limitée
Dans la stratégie nationale de lutte contre le Covid-19, les autotests occupent une place majeure. Ils sont censés détecter la présence du virus chez une personne malade dans plus de 80 % des cas. Mais une étude suisse publiée en août 2021 a révélé que la sensibilité ne serait en réalité que de 65,3 % en conditions de vie réelles. C’est pourquoi, en cas de doute, il faut en réaliser plusieurs sur une dizaine de jours et continuer de respecter scrupuleusement les gestes barrières.
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Évolution de la réglementation
Une nouvelle directive européenne a été préparée pour mettre de l’ordre dans les autotests. Elle prévoit notamment de renforcer la sécurité et le contrôle de la fiabilité des autotests par des évaluations pré et post-commercialisation. Alors qu’elle devait entrer en application cette année, la directive est finalement repoussée à 2025-2026, les fabricants et organismes de contrôle n’étant pas prêts…
Privilégier le laboratoire
La Pr Joëlle Goudable, ancienne présidente de la Société française de biologie clinique (SFBC), conseille de faire réaliser des tests accessibles sans ordonnance directement en laboratoire de biologie médicale « pour un prix souvent comparable à celui d’un autotest et dont la fiabilité et la qualité sont connues et contrôlées régulièrement ».
Si toutefois vous souhaitez utiliser un autotest, privilégiez ceux dont l’intérêt médical est reconnu, selon votre état de santé et qui comporte le marquage CE. Il est recommandé de se procurer les autotests en pharmacie plutôt que sur Internet.
Enfin, quelque soit le résultat, ne changez pas de traitement ni vos habitudes de vie sans consulter un médecin au préalable. En ce qui concerne le Covid-19, un autotest positif doit obligatoirement être confirmé par un test PCR.
Où jeter son autotest ?
Comme pour tout autre médicament, les boîtes et notices en papier sont destinées à la poubelle des déchets recyclables. En revanche, les écouvillons, tubes et test contiennent des réactifs, voire des contaminants. C’est pourquoi ils doivent être enfermés dans des sacs plastiques et jeter avec les ordures ménagères.
Les autotests sanguins ne présentent pas de risques, les aiguilles étant petites et autorétractables. À l’exception des autotests VIH qui sont considérés comme déchets d’activités de soins à risques infectieux (Dasri) : lors de votre achat, votre pharmacien doit vous fournir gratuitement une petite boîte jaune dans laquelle vous placerez l’autopiqueur avant de rapporter le tout en pharmacie.